Motion de solidarité avec les travailleuses et travailleurs de Delhaize sur base des motions déposées par les groupes PS et PTB

Vu le Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation et plus particulièrement l’article L1122-30 ;

Vu l’annonce par Delhaize le mardi 7 mars 2023 de son intention de convertir l’ensemble des 128 supermarchés en gestion propre en Belgique en magasins franchisés gérés par des sociétés ou entrepreneurs indépendants ; 

Considérant le choc que cette annonce a provoqué auprès des 9.200 travailleuses et travailleurs, qui avaient pourtant été considérés comme essentiels durant le Covid et qui avaient parfois mis en danger leur santé pour continuer à offrir un accès aux denrées alimentaires pendant cette période ;

Considérant l’impact de l’annonce de restructuration sur les métiers connexes comme les chauffeurs et les livreurs, parfois locaux ;

Considérant que Delhaize a déjà annoncé sa volonté de supprimer 280 emplois au sein de son siège belge ;

Considérant la volonté de Delhaize de contourner la loi et la procédure Renault ;

Considérant que la multinationale Ahold Delhaize a fait 2,5 milliards d’euros de profit en 2022 ;

Considérant que cette décision s’inscrit dans une logique de maximisation de son profit, malgré des bénéfices déjà importants, au détriment des travailleuses et travailleurs et favorable aux actionnaires ; 

Considérant que l'impact sur les travailleurs risque de se traduire par des conditions de travail moins bonnes au vu des conventions moins favorables en termes de temps de travail, de barèmes salariaux et de sécurité d'emploi et par la généralisation des jobs étudiants et des emplois flexibles au lieu des contrats à durée indéterminée ;

Considérant l’impact que cette décision pourrait avoir sur les clientes et clients de Delhaize, en termes de prix des produits, alors que le prix du caddy a déjà augmenté de près de 20% en un an ;

Considérant que cette décision s’inscrit dans un mouvement de basculement du centre de décision de Delhaize de la Belgique vers les Pays-Bas, la Belgique devenant une simple plateforme logistique pour le groupe ;

Considérant que cela remettra aussi en cause la présence de représentants des travailleurs dans les magasins et donc la protection collective des travailleuses et travailleurs ;

Considérant le risque que cela représente pour l’emploi et les conditions de travail dans les supermarchés ;

Considérant le risque de contagion de cette transformation du monde du travail dans tout le secteur de la grande distribution, qui concerne plus de 100.000 emplois en Belgique, voire dans tout le tertiaire, vers toujours plus de flexibilité pour les travailleuses et travailleurs des enseignes qui sont soumis à des contraintes de plus en plus fortes, vers une fragmentation des organisations de travailleuses et travailleurs, et vers une harmonisation vers le bas des conditions de travail ;  

Considérant le mouvement de grève qui fait suite à cette décision ;

Considérant que les organisations syndicales demandent à la direction de retirer leur plan ;

Considérant que le droit de grève, le droit de manifester et le droit d’exprimer son opinion sont des libertés fondamentales ; que néanmoins, en vertu du Règlement général de Police adopté par le Conseil communal, les manifestations de nature à encombrer la voie publique ou à diminuer la commodité et la sécurité de passage, ne peuvent avoir lieu sans l’autorisation préalable et écrite du Bourgmestre ;

Considérant que dans ce cadre, la Police locale assure l’ordre public par le biais du dialogue, de la concertation et d’un état d’alerte vraisemblable, au bénéfice de la sécurité de toutes et tous, en privilégiant la gestion négociée de l’espace public et les échanges préalables aux événements ;

Considérant que la mise en œuvre de moyens policiers se fait graduellement, dans le respect du principe de proportionnalité, en tenant compte de la situation et de son évolution ; que par conséquent la police doit se montrer discrète et tolérante par rapport à des rassemblements et manifestations pacifiques ;

Considérant la présence d’un magasin Delhaize sur le territoire de la Ville et dans le Grand Charleroi;  

Considérant l’impact important qu’aurait cette mesure sur les familles carolos dont des membres travaillent chez Delhaize;

Considérant que les travailleurs ont besoin de soutien ;

Considérant l’attitude actuelle de Delhaize durant la première réunion de conciliation sociale du 18 avril 2023 ;

Sur proposition des Groupes PS et PTB ;

Entend la présentation faite par Madame la Conseillère Pauline Boninsegna pour le Groupe PTB et par Monsieur le Conseiller Jean-Philippe Preumont pour le groupe PS ;

Entend les interventions de Messieurs les Conseillers Nicolas Tzanetatos, Jean-Noël Gillard et Tanguy Luambua, de Madame la Conseillère Anne-Sophie Deffense et de Messieurs les Conseillers Brahim Ziane et Nicolas Kramvoussanos ;

Entend l'intervention de Monsieur le Bourgmestre Paul Magnette ;

Entend les répliques de Madame la Conseillère Pauline Boninsegna et de Messieurs les Conseillers Jean-Philippe Preumont et Nicolas Tzanetatos ;

Après en avoir délibéré en séance publique ;

A l'unanimité ;

Article 1 : Le Conseil communal manifeste son soutien et sa solidarité envers les organisations syndicales et l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de Delhaize qui luttent actuellement contre la décision de la direction.

Article 2 : Le Conseil communal exhorte la direction de Delhaize à : 

  • Revenir sur sa décision et s’engager dans une vraie procédure de négociation avec les syndicats en recherchant d’autres solutions que la mise sous franchise ;
  • Offrir, si la décision de mise sous franchise des 128 magasins devait se confirmer à l’issue de ces négociations, des garanties de maintien de l’emploi de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs concernés et de maintien des droits acquis (légaux et conventionnels) pour les travailleurs actuels et futurs.

Article 3 : Le Conseil Communal demande au gouvernement fédéral : 

  • De veiller au respect du droit social par les 636 magasins franchisés du groupe Delhaize et, plus généralement dans toutes les enseignes de grande distribution, franchisées ou non ;
  • D’inciter les partenaires sociaux à se mettre autour de la table pour réformer, dans le respect des acquis sociaux, le paysage des commissions paritaires dans le secteur afin d’éviter le shopping entre les commissions vers le moins-disant social ;
  • De soutenir toute initiative législative visant à empêcher le contournement du droit social de la part des grandes entreprises et groupes internationaux.

Article 4 : Le Conseil Communal demande au ministre régional de l’économie :

  • D’analyser, dans le cadre de ses compétences économiques, la manière de lutter efficacement contre la mise sous franchise à marche forcée du secteur de la grande distribution, au détriment de l’emploi et des conditions de travail ;
  • D’analyser les actions possibles afin de préserver l’activité économique et donc les emplois de ce secteur dans la région.

Article 5 : Le Conseil communal décide de transmettre cette motion au Gouvernement fédéral, au Gouvernement de la Wallonie et à la direction du groupe Delhaize.